C’est le vaste problème de chercher l’origine des choses, de nommer les choses ou de faire émerger dans le champ écrit une chose. Cette recherche se heurte à la faiblesse des sources autant qu’à l’égo des chercheurs qui de manière calculée ou non vont s’approprier la “découverte” de quelque chose qui existe déjà (d’autres personnes joueront également dans ce sens comme des suiveurs qui ont besoin de filiation et cherchent une figure d’autorité à servir ou à admirer ou bien un groupe d’appartenance). Avant qu’une chose soit mise en mots ou en écrits, elle existe pourtant. Mais la mise en mots et en écrits génère un phénomène d’invisibilisation de son existence passée. Elle crée un nouveau point de départ, elle “fait date”.

C’est le cas de la permaculture. Avant 1978, le néant ? Les permaculteureuses d’aujourd’hui s’inspirent de méthodes parfois millénaires alors que la mise en mots date du XXe siècle. La permaculture a t-elle toujours existé ? En fait-on sans le savoir ? Il est tentant de penser que des sociétés humaines ont vécu de manière déjà permacole dans certaines parties du monde ou en vivent aujourd’hui dans certaines régions reculées, mais ces comparaisons sont risquées, anachroniques et/ou ethnocentrées et tombent quasiment toujours à côté de la réalité. Ces populations ne s’en réclament pas, elles ne différencient pas comme nous l’humain de la nature, elles ne “produisent pas” ni ne “consomment” bref, elles ne se représentent pas le monde à notre façon et n’ont pas nos préoccupations (et inversement). Pour aller plus loin sur ce sujet, voir Descola, Pignocchi : ethnographie des mondes à venir.

Donc la permaculture n’a pas toujours existé. Mais Mollison et Holmgren n’ont pas non plus inventé la permaculture comme ça, un matin, sortie du chapeau. Ils n’ont pas non plus travaillé plus ou mieux que les autres humains (ni moins ni moins bien). Et ils ont été grandement aidés par tout un tas de prédécesseurs et de contemporains. Ils ont été élevés et instruits par des personnes dans une certaine culture, ils ont bénéficié de toute l’aventure humaine et de toutes les découvertes avant eux, ils ont bénéficié de conditions matérielles favorables à leur découverte et de privilèges sociaux, d’infrastructures construites et entretenues par d’autres humains. Pour prendre un exemple, sans exploitation pétrolière et sans aviation Mollison ne rencontre pas Fukuoka qui lui-même ne devient pas microbiologiste, (etc.). Bref, ils ont bénéficié de leur contexte particulier qui leur a permis de synthétiser la permaculture à un moment donné et en plusieurs étapes. D’ailleurs, il n’est pas rare qu’une découverte soit faite par plusieurs personnes simultanément ou à peu de temps d’intervalle. Et plus il y a de personnes sur Terre plus la probabilité est grande que plusieurs personnes s’intéressent au même sujet au même moment. Toutefois, la société individualiste et capitaliste nous pousse à privatiser ce qui appartient à tous, à croire que la propriété est individuelle, à toujours favoriser l’égo au détriment du commun.

Qui a réellement inventé la permaculture ? La communauté humaine.