Bienvenue au cœur de la réflexion et de l’action au sein de Brin de Paille, une association nationale de permaculture en pleine mutation. Dans cette ère de changement, nous avons décidé de repenser notre fonctionnement, de prendre des positions politiques*, et d’embrasser une vision autogérée.

Nous vous invitons à comprendre pourquoi nous avons choisi ce modèle, à explorer notre cheminement et à vous joindre à nous dans cette aventure vers l’auto-gouvernement. Voici un petit compte rendu d’un atelier s’inscrivant dans le cadre de l’accueil des nouveaux membres actifs au sein de Brin de Paille.

* La Politique est souvent confondue avec le fait de voter ou militer pour un parti. Or, nous définissons la Politique comme la pratique consciente ou inconsciente qui consiste à se demander en permanence quels types de relation on entretient avec les autres, l’analyse de nos choix et des contradictions qui émergent.

Vers où va Brin de Paille et pourquoi ?

En permaculture, il nous semble crucial à Brin de Paille de garantir que nos fonctionnements puissent être en cohérence avec le soin à l’humain élevé au rang d’éthique. Au cœur de notre quête se trouve la nécessité de s’interroger sur nos structures internes. Trop souvent, les individus rejoignent des collectifs sans réellement comprendre les mécanismes en place, se retrouvant pris dans des schémas préétablis, pensés ou recopiés par d’autres. On s’y retrouve impliqué.e, séduit.e, parfois exploité.e, à “l’insu de son plein gré”, pour des raisons affectives, militantes, de servitudes (in)volontaires, de recherche d’utilité,… De plus, nous avons tendance à attribuer le fait que “les choses vont bien” ou que “les choses ne vont pas bien” au sein de tel ou tel collectif à des personnes qui seraient bonnes ou mauvaises, admirables ou détestables. On va ainsi chercher à changer les personnes au lieu de changer les institutions, les règles du jeu, les fonctionnements qui conduisent les personnes à se conduire ainsi. Cet atelier d’accueil vise à briser ces cycles et à remettre en question nos choix passés, pas juste pour constater ce qui ne va pas, mais parce que l’on peut améliorer nos fonctionnements et créer des boucles de rétroaction positives

Créer un langage commun

Au début de l’atelier, nous avons instauré un langage commun, définissant des termes clés tels que l’autogestion, libertaire, prendre soin, horizontalité et prison. Ces définitions posent les bases de notre communication, facilitant la compréhension mutuelle au sein de Brin de Paille.

Pourquoi un commun libertaire auto-gouverné et pas autre chose ?

Au fil des années, Brin de Paille a évolué pour répondre à la réalité des défis sociaux et écologiques. Peut-être avec le souhait d’enlever certaines œillères qui existent dans le milieu de la permaculture sur beaucoup de sujets (conflits, oppressions et violences, individualisme, permawashing, etc.) ? Et peut-être aussi pour vivre quelque chose de chouette en interne ? Le constat quelques années plus tôt était à la fois banal (car tellement répandu au sein du monde associatif) et triste : comment prôner le soin à l’humain, à la nature et au partage équitable sans se l’appliquer à soi-même ? Burnout, boule au ventre, conflits, violences, clans,…

Dans cette 2e partie d’atelier, un 1er exercice nous a donc permis de (re)situer sur des axes les différentes manières d’organiser un collectif ou une société, de visualiser l’impasse de certains modèles et constater l’intérêt de tenter la voie actuelle, celle de l’auto-gouvernement. Voie qui bien évidemment est loin d’être parfaite ou bien suivie. Nous cherchons ainsi constamment un équilibre entre collectif et individu, c’est-à-dire comment prendre soin du collectif sans jamais sacrifier l’individu, et vice versa.

La phase suivante de l’exercice nous invitait à exprimer nos positions sur diverses thématiques, mettant ainsi en évidence les divergences d’opinions et de préférences au sein du groupe. La bonne nouvelle est que ces divergences ne constituent pas un problème en soi ; au contraire, elles reflètent une dynamique tout à fait normale. Ce dont nous avons besoin, dans ce contexte, c’est d’un système Politique* qui encourage “l’analyse, la délibération et l’arbitrage de nos contradictions”. Le choix de l’auto-gouvernement paraît la voie la plus rationnelle et pertinente de poursuivre en fonction des connaissances à notre disposition.

Un système politique basé sur l’auto-gouvernement : changer les croyances établies

Notre choix audacieux en faveur de l’auto-gouvernement remet en question les croyances ancrées dans le système politique actuel. Nous privilégions la confiance, la légitimité à agir, le contrôle a posteriori, la transparence, la responsabilité individuelle et la tolérance. Ce système offre aux personnes la possibilité d’une réelle coexistence, une simplicité des procédures, une diminution des conflits et la possibilité d’exprimer et vivre une diversité de perspectives sans se sentir bridé.

Concrètement, cela produit-il des effets ? Ou ne sont-ce que des mots qui sonnent bien ?

Nous pouvons affirmer que depuis que nous avons mis en œuvre cette volonté et ce fonctionnement, nous avons éliminé les burnout, les boules au ventre, les conflits internes,… Ce qui est loin d’être négligeable. L’accueil des nouveaux membres actifs est également une priorité. Et lors des RNP, le forum ouvert et l’épicerie autogérée éphémère (voir cooplib.fr) sont des exemples parlants et réussis d’éducation populaire de la communauté à cette pratique. Reste à l’étendre à toutes les composantes de l’association comme c’est déjà le cas pour le fonctionnement autonome des groupes de travail. Des idées fourmillent déjà pour étendre encore ce fonctionnement lors des RNP et au sein de l’association.

Mettre en pratique l’auto-gouvernement : des règles claires pour une évolution consciente

Notre démarche s’appuie sur des règles simples et claires. Nous sommes une communauté de bénévoles cherchant à créer un commun, privilégiant l’accueil et le sentiment de légitimité à décider et agir et mettant en place des contre-pouvoirs pour éviter sa concentration (du pouvoir). Les prises d’initiative sont donc libres. Le contrôle existe mais a posteriori. Des espaces de réflexion et de prise de recul permettent de (re)travailler régulièrement sur le design de l’asso. L’information est décentralisée et accessible au maximum. Les ressources sont à disposition de celleux qui en ont besoin.

L’acceptation de cette organisation repose sur la condition que nos actions contribuent à édifier une société égalitaire et tolérante, en conformité avec nos principes de prendre soin de l’humain. Toute utilisation de la liberté individuelle à des fins individualistes ou à la construction d’une société autoritaire et inégalitaire est en contradiction avec la mission de Brin de Paille. Dans de tels cas, le groupe intervient rétroactivement pour recentrer ces initiatives. Nous rejetons l’idée d’une société perpétuellement en conflit justifié par des perspectives divergentes, préférant un monde où différentes tendances coexistent. Un principe de réciprocité est fondamental ici : les tendances qui souhaitent, elles, exclure, s’auto-excluent de fait et se privent de notre soutien, de notre tolérance, etc.

Conclusion : vers un monde égalitaire et tolérant

Nous croyons en un monde où des sensibilités différentes peuvent coexister, où la réciprocité, l’égalité politique et la tolérance guident nos actions. Les autres visions politiques classiques nous semblent mener à une impasse coexistentielle. Au niveau individuel, nous savons que le pouvoir corrompt et que nos sens et nos croyances nous trompent, etc. L’individu est fortement soumis à la dérive, il/elle peut changer de buts (passer de la contradiction avec l’idéal à la dérive vers un idéal contraire). Au niveau collectif, les formes d’organisation semblent avoir déjà démontré leurs failles, leurs limites et finalement, invalidé ce qu’elles prétendent (organiser au mieux la société). L’Histoire a également montré que les grandes idéologies dominantes conduisent, par exemple, pour le nationalisme à la guerre, pour l’autoritarisme à la violence institutionnalisée et pour les inégalités aux oppressions systémiques.

A Brin de Paille, on prend donc soin de nos camarades et de ce lien, cette volonté commune de coexister. Évidemment il faut être prêt à déconstruire des choses et être ponctuellement dans l’inconfort individuel pour construire un confort collectif. Et évidemment, qu’il reste encore beaucoup à faire et que c’est loin d’être parfait.

Nous vous invitons à nous rejoindre dans cette aventure, à expérimenter l’auto-gouvernement au sein de notre communauté et apporter votre pierre à l’édifice.