La permaculture est-elle une révélation apportée par des prophètes ayant révélé la nouvelle vérité ou ayant écrit le nouveau dogme à apprendre par coeur et à répéter matin midi et soir pour s’en persuader ?
Ou bien est-ce une proposition synthétique, par nature incomplète, proposée par deux personnes qui nécessite d’être agradée par tout un chacun ?
Une pratique évolutive suppose à minima plusieurs caractéristiques comme :
– reconnaitre l’antériorité, le contexte d’apparition de la pratique
– être réfutable : ce qui n’est pas réfutable ne peut évoluer et/ou génère une pensée circulaire ou enfermante. Elle doit donc proposer des mécanismes de remise en question permanente de tout ou partie de la proposition et de ses institutions en fonction des faits observés
– l’évolution du corpus théorique au fil des décennies
– la capacité à prouver ce qui est avancé ou déclaré
– les tenants de la pratique sont conscients des limites et de la nécessité d’évolution, d’adaptation de celle-ci
– …
Certains de ces critères semblent respectés tandis que d’autres ne le sont pas en permaculture.
La nature a inventé l’évolution pour permettre à la vie de s’adapter en “permanence”. Et les pratiques culturelles figées ont des destinées funestes : la disparition, la dérive autoritaire ou sectaire, la marginalisation ou encore la récupération. Par exemple, la marchandisation est un processus de récupération aboutissant à l’évacuation de toute authenticité, de tout ce qui a un potentiel de transformation du réel, de la valeur humaine ou écologique pour n’en garder que le discours, les belles paroles, les idées abstraites. Ce phénomène est déjà à l’œuvre au sein de la permaculture. Il est très facile de trouver des lieux ou des sites internet réduisant la permaculture à des techniques de jardinage (ex : “comment bien débuter son potager en permaculture, etc.), ou à des associations de plantes dont l’objectif non affiché est de vendre des produits ou de la formation. Un autre type de dérive, la récupération individualiste, à l’œuvre également, utilise la permaculture afin de promouvoir le repli sur soi, l’intériorité avant tout, en évacuant consciencieusement tous les enjeux collectifs, politiques ou sociaux. “Fais ta part” et tout ira bien dans le meilleur des monde ? Or l’éthique de la permaculture repose sur “prendre soin” de tous les humains, ne vit-on pas en interdépendance ? Est-il adapté de renvoyer chaque personne à se débrouiller pour avoir l’impression d’aller bien dans un monde qui ne va pas ? L’individu existe-t-il seulement ? N’est-on pas plutôt le fruit de toutes nos interactions avec le vivant comme le non-vivant ?
Mollison et Holmgren ont permis un gros coup de boost et de projecteur en proposant la synthèse de la permaculture, de ce que serait d’abord une agriculture pérenne puis une culture au sens large de la pérennité. Mais, et c’est bien normal, ils ont tâtonné sur plusieurs décennies en interagissant avec un très grand nombre de personnes (ensemble de personnes ayant elles-mêmes interagies avec un nombre encore plus grand d’autres humains). Leur statut universitaire dans un pays surdéveloppé, leurs publications et leurs efforts visant à instituer un système de formation pyramidal sont des facteurs déterminants ayant contribué à leur statut de fondateur et de figure d’autorité, quasi icônique. Mais il apparait clairement un va-et-vient permanent dans le temps et l’espace ainsi que le long et patient travail de diffusion et d’appropriation de la connaissance réalisé par des milliers de personnes plus ou moins anonymes (en témoignent le nombre de formations et de livres parus sur le sujet).
Tout ceci pour préciser, bien que reconnaissant leur apport majeur, que la permaculture appartient à toustes, qu’elle est la propriété commune de toustes, qu’elle doit le rester et continuer à évoluer.
Via ce site internet, Brin de Paille propose à chacun.e de poursuivre la réflexion, l’évolution en matière d’éthique, de principes, de définition, d’expérimentation, de méthode, (etc.) à commencer peut-être par rédiger les parties du site internet laissées en suspens ou retravailler l’existant ? La pérennité, la vitalité de la permaculture dépendent de notre aptitude collective à nous adapter au contexte en mouvement.
Quelles sont les références à la dimension politique de la permaculture dans l’oeuvre de Mollison et Holmgren ?
Si l’on considère que la Politique c’est au sens commun, le fait de s’occuper de la vie de la cité ou de la vie commune, et, au sens de Brin de Paille : se demander en permanence quels types de relations on veut entretenir avec les autres (les autres au sens large la nature, incluant l’humain) : existe t-il une seule phrase sortant du champ de la Politique dans les écrits des BM et DH ? Ecrire et publier n’est-il pas en soi un acte fondamentalement Politique ?